Histoire

Les premiers vitraux de l'église St-Nicolas

Ils ont été posés au cours du XVe siècle, lors des ultimes phases de construction de l'édifice : un versement est attesté en 1423 et on sait que la rosace a été pourvue en 1461-1462. Les vitraux médiévaux ont disparus entre le XVIe et le XVIIe siècles, lors de la construction des chapelles latérales et de la reconstruction du chœur. Ils ont été remplacés par des verrières et quelques vitraux armoriés.
 

Les vitraux et leur histoire

Au XIXe siècle, sous l'influence de l'historicisme, la volonté des autorités de redonner à la collégiale St-Nicolas de véritables vitraux se concrétise par le rapatriement d'œuvres des environs, moyennant des modifications : en 1856, les vitraux du XIVe siècle de l'abbaye d'Hauterive, dans le chœur ; en 1876, les vitraux du XVIe siècle de l'église de Carignan, au-dessus des portes latérales ; en 1879, un vitrail de 1478 récemment retrouvé à la Chancellerie d'Etat.


Mise au concours

Ce n'est que dans les années 1890 que les membres de la Confrérie du Saint-Sacrement décide de lancer un concours pour des œuvres originales : il a été remporté, parmi vingt-six projets, par un jeune artiste polonais, Józef Mehoffer, qui a proposé un projet pour les huit fenêtres de la nef puis pour les cinq du chœur, dont la réalisation s'étendit de 1895 à 1936. Dans la seconde moitié du XXe siècle intervienrent les dernières créations. Le Chapitre cathédral de St-Nicolas commande à l'artiste Alfred Manessier des vitraux pour la chapelle du Saint-Sépulcre (1974-1976), les fenêtres hautes de la nef (1980-1983) et la rosace de la tour (1988).


Les vitraux dits de Carignan

Oeuvre

Ces vitraux font partie des œuvres rapatriées au XIXe siècle. Lorsque le clergé d'Estavayer a obtenu le droit de collature de l'église de Carignan, dans la Broye, au début du XVIe siècle, il a fait réaliser ces œuvres, achetées en 1873 et posées en 1876 dans les fenêtres situées au-dessus des portails nord et sud de la collégiale St-Nicolas. Le vitrail du portail nord présente une crucifixion encadrée de saint Jean l'Evangéliste et de la Vierge Marie. Le vitrail du portail sud comporte les saints Laurent, patron de la collégiale d'Estavayer, et Pierre, patron de l'église de Carignan (et non Clément, comme indiqué sur le socle). Les vitraux originaux ont dû être retouchés et complétés pour être intégré à leur nouvel emplacement.


Les vitraux de Józef Mehoffer

Lignes directrices de la commande

L'idée de la Confrérie du Saint-Sacrement de doter la nef de la collégiale de St-Nicolas de nouveaux vitraux, en 1892, donne les lignes directrices de la commande. Les fenêtres gothiques étant hautes et peu larges, on a choisi de faire représenter une série de saints liés à la collégiale (en particulier les patrons des nombreux autels latéraux) et quelques scènes (Saint-Sacrement, Notre-Dame-des-Victoires, Adoration des Mages, etc.).


Une vision originale

Vingt-six projets de toute l'Europe ont été envoyés pour la dernière chapelle latérale de gauche, comportant les saints Pierre, Jean l'Evangéliste, Jacques le Majeur et André. La plupart demeure assez traditionnels, dans la ligne de l'artisanat du vitrail de l'époque, mais deux propositions ont été distinguées, dont celle du jeune polonais Józef Mehoffer. Une nouvelle commande est alors passée à Mehoffer et au lucernois Balmer – qui a reçu une mention – mais c'est la vision originale du Polonais qui a été finalement conservée ; le vitrail de Balmer, installé d'abord dans la première chapelle de gauche, a été transféré en 1917 dans l'église St-Maurice, en Auge.
 

La création

Les huit fenêtres de la nef (120 m2), complétée en 1906 par une commande pour les cinq fenêtres du chœur (124 m2), s'étale sur près de 40 ans, de 1895 à 1936. L'entreprise fribourgeoise Kirsch et Fleckner assure la réalisation des cartons de Mehoffer. Il s'agit d'un des ensembles Art nouveau (Jugendstil) les plus importants au monde. Dans l'ordre de création (cliquez sur le nom du vitrail pour faire apparaître l'image) :

Fenêtre des apôtres (quatrième chapelle de gauche, 1895-1986, projet du concours lancé en 1895). Les saints sont représentés en mouvement, sous des dais gothiques, avec leurs attributs : le coq du reniement pour Pierre et l'image de l'Eglise comme un bateau (au-dessus de St-Pierre de Rome), l'aigle pour Jean l'Evangéliste et la vision de l'Apocalypse, Jacques le Majeur et Hermogène le magicien, avec une représentation de la ville de Cracovie, et enfin André et la vision de la croix de son martyre. L'influence de l'historicisme laisse entrevoir l'Art nouveau (motifs végétaux, technique du cloisonnisme).

Fenêtre de Notre-Dame-des-Victoires (troisième chapelle de droite, 1896-1898). Cette commande de l'Etat de Fribourg représente la victoire de Morat en 1476. Dès sa deuxième œuvre, Mehoffer sort du cadre du concours : il n'y a plus un personnage par lancette mais une grande scène qui recouvre toute la fenêtre. Au retour de la bataille, protégés par saint Michel, des Confédérés tenant en mains les drapeaux des cantons déposent ceux de Charles le Téméraire devant la Reine des cieux entourée d'anges, surmontant une allégorie de la patrie. La frise supérieure représente les trois vertus théologales de foi, d'espérance et de charité ainsi que la vertu de force.

Fenêtre des martyrs (troisième chapelle de gauche, 1898-1901). Ce ne sont pas les saints prévus au programme mais quatre martyrs : Maurice et le glaive, Sébastien et les flèches, Catherine d'Alexandrie et la roue, Barbe et la tour. En pied dans la partie centrale, ils sont représentés dans leur martyre dans la partie inférieure, enlacés de personnages féminins. Dans la partie supérieure sont représentés des figures angéliques et des corneilles (et la tour des Menuisiers de Cracovie au-dessus de sainte Barbe), surmontées de motifs floraux et de quatre pairs de jeunes gens représentant l'innocence des martyrs. Le vitrail a été primé d'une médaille d'or à l'Exposition universelle de Paris en 1900 et constitue la seule œuvre entièrement Art nouveau.

Fenêtre de l'Eucharistie (quatrième chapelle de droite, 1898-1901). Il s'agit d'une commande de la Confrérie du Saint-Sacrement, qui a lancé le concours. A droite figure le sacrifice sur la croix du Christ, porté par deux anges : l'Eglise recueille son Précieux Sang dans une coupe ; à gauche, une adoration du Saint-Sacrement dans le sacrifice eucharistique, devant une jeune fille figurant la vertu théologale de foi et une procession d'anges thuriféraires. Un bouc pris dans un buisson d'épines fait référence au sacrifice d'Isaac, figure vétérotestamentaire du sacrifice du Christ. L'Art nouveau se même à l'art populaire : chaque recoin du vitrail est travaillé jusque dans les moindres détails (ex-voto derrière la croix, décoration florale, parement de l'autel).

Fenêtre des trois rois (deuxième chapelle de gauche, 1902-1905). L'Adoration des mages, comme dans le vitrail de la victoire de Morat, occupe les quatre lancettes. Les mages, accompagnés d'un ange, déposent leurs présents aux pieds du Christ tenu par la Vierge Marie, tandis que Joseph, l'âne et le bœuf se tiennent en retrait. L'étoile de Bethléem illumine toute la scène alors qu'un ange change la louange divine. La scène inférieure est inhabituelle : le roi Hérode, accompagné de la Mort, derrière les corps des Saints Innocents, trône avec Satan et le serpent. Cette fenêtre très colorée doit beaucoup à l'art populaire, mais Mehoffer s'est aussi inspiré de représentations traditionnelles pour plusieurs figures.

• Fenêtre des saints Georges, Michel, Anne et Marie-Madeleine (deuxième chapelle de droite, 1907-1910). Elle suit le programme et reprend la mise en scène traditionnelle en mêlant Art nouveau et symbolisme. Georges, en chevalier, dans des teintes sombres, délivre une princesse en tuant le dragon ; l'archange Michel, triomphant, figure en pied et dans le combat contre Satan ; Anne est surmontée de sa fille, la Vierge Marie, et du Christ bénissant, conçu de l'Esprit Saint, tandis qu'une fontaine aux symboles chrétiens coule à ses pieds ; Marie-Madeleine, endeuillée, porte le flacon de parfum au-dessus de la rose symbolisant l'ardeur de sa charité. Des anges armés et des aigles contemplant le soleil de justice surmontent les personnages.

Fenêtre des saints évêques et diacres (première chapelle de gauche, 1912-1917). Les saints occupent chacun une lancette, encadrés des vertus théologales et cardinales ainsi que de la science. Etienne, aux prises avec les Juifs, est « rempli de grâce et de force » (plenus gratia et fortitudine) ; Laurent, brûlé vif pour sa foi, est « éprouvé par le feu » (igne me examinasti) ; Martin de Tours partage sa tunique pour vêtir un pauvre, accomplissant la parole du Christ : « c'est à moi que tu l'as fait » (mihi fecistis) ; Claude de Besançon, sous les traits du Pape Léon XIII, en secourant les plus miséreux, « a accompli des miracles durant sa vie » (fecit mirabilia in vita sua). Jets d'eau et chandeliers à sept branches décorent le registre inférieur. L'Art nouveau commande l'arrière-fond mais les figures tirent vers le réalisme et sont moins stylisées qu'auparavant.

Fenêtre de saint Nicolas de Flüe (première chapelle de droite, 1915-1919). Elle présente en un mélange d'Art nouveau, d'arts populaire et monumental et de réalisme la vie de Nicolas de Flüe, béatifié en 1669 et patron de la Confédération helvétique. Les thèmes de la paix, de la liberté et de la patrie font écho à la Première Guerre mondiale. Une colonne centrale surmontée de deux allégories partage deux espaces consacrés à la vie familiale du saint au Flueli et à sa vie érémitique au Ranft. Au pied de la colonne, les Confédérés prêtent serment tandis que les blasons des dix premiers cantons – dont Fribourg et Soleure, entrés dans la Confédération en 1481 grâce à l'intervention du bienheureux – ornent la frise inférieure avec la devise pacifique de Nicolas de Flüe. L'Alpha et l'Oméga trônent au sommet de la composition.

La création de nouvelles fenêtres dans le chœur fut avalisée en 1906 mais les travaux ne débutèrent que lorsque tous les vitraux de la nef furent réalisés, soit à la fin de la Première Guerre mondiale. Les trois fenêtres centrales, consacrées à la Sainte-Trinité, furent posées en 1926, tandis que les fenêtres représentant l'histoire de l'Eglise et de l'Etat de Fribourg ne furent mises en place qu'en 1936.

Dieu le Père se tient dans la fenêtre centrale : de sa tête, encadrée du triangle figurant la Trinité et surmontée d'une triple couronne, sort la Création (soleil, lune, étoiles) ; une nuée de têtes d'anges ailées conduit au buisson ardent et à la révélation de son Nom : « Je suis celui qui suis » ; au pied de la fenêtre, la figure de Moïse est encadrée des tables de la loi et de l'arche d'alliance.

Le Fils de Dieu se tient sur la gauche de l'abside : il est représenté ressuscité, sortant du tombeau et entouré des têtes de patriarches et de prophètes, montant vers le trône aux sept chandeliers préparé pour lui ; monté aux cieux, il est présent sur terre dans son Eucharistie, tenue par deux anges, et dans sa Parole, entourée des symboles des quatre évangélistes. Le Sacré-Cœur surmonte la composition.

Le Saint-Esprit se tient sur la droite de l'abside : il est représenté sous les traits d'une grande colombe avec les rayons des sept dons de l'Esprit, les flammes représentant les douze apôtres et cinq vertus ; la lumière éclaire la scène de l'Annonciation de l'archange Gabriel à Marie ; un lys rappelle sa pureté et le serpent qui se déroule est une référence au péché originel ; la colombe de l'arche de Noé figure dans la partie inférieure.

La fenêtre de gauche représente l'histoire de l'Etat de Fribourg. De haut en bas sont représentés : le fondateur de la ville de Fribourg, Berthold IV de Zaehringen, duc et recteur de Bourgogne par la grâce de Dieu (Berchtoldus Dei gratia dux et rector Burgundiae), à cheval et portant son étendard, au-dessus de sa ville ; les étendards des cantons de l'Ancienne Confédération avec le titre, gagné lors des Guerres d'Italie et donné par le Pape Jules II, de « défenseurs de la liberté de l'Eglise » (Defensores libertatis Ecclesiae) ; l'avoyer Peter Falk, qui obtint l'érection de l'église St-Nicolas en collégiale par la bulle Injunctum nobis en 1512, et les Papes Jules II et Léon X, avec leur blason ; une « représentation synthétique du culte à saint Nicolas », selon les mots de Mehoffer lui-même, en présence du prévôt et des chanoines, tandis que le chantre reçoit d'un ange l'inspiration mystique de son chant ; enfin, l'histoire contemporaine de la création du vitrail avec, sous le tilleul de Morat, autour des allégories de la patrie et de l'histoire – qui pleure les victimes de la Grand Guerre –, des hommes politiques des années 1920, dont les Conseillers d'Etat Georges Python et Jean-Marie Musy.

La fenêtre de droite représente l'histoire de l'Eglise de Fribourg. De haut en bas sont représentés : saint Nicolas de Myre (unique apparition dans les vitraux) surmontant son bras-reliquaire dans les armes du chapitre collégial de St-Nicolas ; deux allégories représentant l'apostasie (Apostasia) et la foi (Fides), entourant un magistrat prêtant serment sur la bible, « fidèle[s] à la religion des pères » (Religioni patrum fideles) ; des figures de la Contre-Réforme catholique, les prévôts Pierre Schneuwly et Sébastien Werro, entourés du nonce apostolique Giovanni Francesco Bonomi et de saint Pierre Canisius ; la Vierge Marie, « sous le patronage [de laquelle] se tient et se tiendra Fribourg » (Sub hoc patrocinio stat stabitque Friburgum), trônant au-dessus des trois tours de la ville de Fribourg, devant laquelle sont agenouillés deux magistrats assistés d'anges ; enfin, sous les armes du Pape Pie XI, des prélats : Mgr Marius Besson, évêque du diocèse de 1920 à 1945, dont les armoiries et la devise Caritas Christi urget nos sont en contrebas, ainsi que les trois dignitaires du chapitre, le prévôt Jean Quartenoud, le doyen Gustave Brasey et le chantre Louis Waeber ; ils sont entourés de chanoines agenouillés représentant l'ancien chapitre collégial et le nouveau chapitre cathédral, avec leurs armoiries et leurs dates d'institution respectives.

Les vitraux d'Alfred Manessier

Après la pose des œuvres de Mehoffer, il ne reste que trois lieux dépourvus de vitraux : la chapelle du Saint-Sépulcre, les vitres hautes de la nef et la rosace. L'artiste Alfred Manessier comble ce manque durant la deuxième moitié du XXe siècle. Le choix de Józef Mehoffer revêt un certain risque dans la mesure où le Polonais est encore un parfait inconnu ; cela n'a pas été le cas avec Manessier, qui est  au moment où le Chapitre cathédral de St-Nicolas fait appel à lui, un artiste de renommée internationale

Pour la première étape (1974-1976), il s'inspire de la Mise au tombeau de la fin du Moyen Âge pour garder l'atmosphère de recueillement propre à la chapelle du Saint-Sépulcre. Dans la seconde étape (1980-1983), il s'agit à la fois de laisser suffisamment de lumière pénétrer dans la nef et de trouver les teintes qui s'accordent le mieux avec les vitraux de Mehoffer. Manessier choisit le thème de la Pentecôte pour les dix fenêtres hautes : l'Esprit Saint est ainsi répandu depuis le sommet sombre des lancettes jusqu'aux tons plus clairs des parties inférieures. La dernière étape (1988) est en lien avec l'Année mariale puisque la rose de la tour a été réalisée sur le thème du Magnificat. Visible depuis la chapelle St-Michel mais pas depuis la nef, en raison du buffet du grand orgue, la rose est offerte à la contemplation des passants grâce à une bulle de verre placée au-dessus du narthex en 2012.